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 Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères

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Archy
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MessageSujet: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostLun 24 Nov 2008, 09:53

La théorie des sphères

Sous ce nom assez brillant se cache une théorie lumineuse, avant-gardiste, prophétique presque, qui aura influencé l’électromagnétisme et l’acoustique musicale d’Aristote jusqu’à J.S. Bach ( en gros du IV° siècle avant notre ère jusqu’au XVIII° siècle ), créant ainsi deux sciences qui aujourd’hui ont de lointains rapports en apparence mais qui sont intrinsèquement liées en profondeur, l’astronomie contemporaine et l’harmonie musicale.
Pendant plus de 2100 ans, l’humanité va s’y référer, en la contestant la modifiant, la révolutionnant ou tout simplement en essayant de l’appliquer.

Les prémices de cette théorie viennent d’origines diverses.
Deux grandes tendances au V° siècle avant J.C. s’affrontent : la théorie des éléments qui prétend que tout dans l’univers est régi par les éléments naturels que sont le feu la terre l’eau et l’air ; et la théorie des atomes ( du grec « a-tomos » : ce qui est incassable, insécable ) qui prétend que toute chose dans l’univers est constituée de minuscules particules indivisibles.
La première , magnifiée par Empédocle d'Agrigente puis plus tard par Hippocrate et Galien ( qui en tirera la théorie des humeurs, l’embryon de la psychologie ) , va connaître un succès retentissant. Il s’agit davantage d’une vision du monde que le fruit d’une recherche empirique, mais cette spéculation va séduire Platon puis Aristote qui vont en faire une base de leur raisonnement.
La seconde, imaginée par Démocrite puis plus tard par Leucippe de Millet et Épicure va sombrer dans l’oubli pendant quelques siècles, la chrétienté occidentale adoptant les principes aristotéliciens ( apportés par la science arabe lors des croisades au XII° ). Il ne s’agit pas ici de notre conception contemporaine de l’atome, car cette école pensait l’objet comme étant la somme de ses minuscules réductions. Autrement dit, une table contiendrait énormément de petites tables agencées de telle façon à ce que l’objet que nous connaissons apparaisse.

Notre science aujourd’hui doit beaucoup à ses deux systèmes de pensée, avec le recul du temps, les parallèles nous apparaissent clairement.

Platon par sa célébrité va écarter la seconde théorie pour se focaliser sur la première : il va chercher ce qui lie ces éléments entre eux ( finalement le premier à vouloir découvrir le boson de Higgs ! ). Il pense à deux forces opposées, l’amour qui rapproche les éléments et son contraire, la haine qui les sépare.
Il va rajouter un 5° élément, l’éther, un élément qui se trouverait au-delà de nous, plus particulièrement là où baignent ces sphères célestes qui tournent…

Aristote va se concentrer sur les 4 éléments « terrestres » et amener d’abord 4 propriétés fondamentales :
Le chaud, principe actif d’énergie et son opposé le froid principe passif d’immuabilité
Le sec , processus de division, de dureté qui conduit à l’individualité et son opposé l’humide , principe de fusion , souple et fluide qui s’ouvre vers le global.

Les 4 éléments vont être ainsi qualifiés par ces 4 caractéristiques, augmentées de 8 sous caractéristiques : subtil et l'épais, le lourd et le léger, l'amer et le doux, le fluide et le visqueux.
Les éléments habitent tous dans des lieux, comme des maisons. Ils sont situés en cercles concentriques, c'est-à-dire que le lieu de la Terre est le premier petit cercle au centre, le lieu de l’eau est un cercle concentrique plus grand, puis l’air et le feu.
On peut trouver des éléments dans des lieux différents qui cherchent à retourner vers leurs lieux d’origine et pour Aristote, cela engendre des phénomènes naturels : la pluie, les météorites, etc.

Au-delà du feu se trouve l’éther, l’ordre du monde, concept qui va être repris par la chrétienté comme le lieu où se situe dieu.
Ce lieu peut être interprété ésotériquement, il a divers noms dont les plus connus sont Akasha, Quintessence. Il termine une représentation graphique d’un monde qui peut se symboliser sous la forme d’un pentagramme.

Il est intéressant au passage d’y remarquer comme la pensée asiatique est proche de la pensée grecque, et on peut se risquer à évoquer la proximité des influences entre occident et extrême orient, peut être plus proches culturellement qu’on ne le pense, surtout au su des transactions commerciales qui abondent dans l’antiquité dans une chaîne géographique que recouvrira Alexandre le Grand dans ses conquêtes quelques années plus tard.

Un autre penseur grec du début du V° siècle va marquer les esprits par un point de vue différent qui va croiser celui d’Aristote plus tard.
C’est le philosophe Pythagore, à qui l’on attribue l’énonciation même du terme philosophe, qui signifie littéralement « amoureux de la sagesse » (« philos-sophia »).
Nombre de légendes courent sur Pythagore mais l’histoire retient qu’il est le précurseur ( et on peut sans nulles craintes écrire « un des principaux inventeurs ») de la théorie de l’harmonie des sphères.
Pythagore entreprend le monde sous le même point de vue géocentrique que ses successeurs, mais il met en avant non pas l’essence du monde comme nous venons de le voir , mais sa forme, à savoir la répartitions des forces , plus exactement des distances qui séparent ces cercles concentriques.
Il va s’intéresser particulièrement aux astres fixes que sont les planètes pour les grecs :
Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne , dans l’ordre pour eux de la plus proche à la plus lointaine, situées entre le cercle de l’air et celui du feu.
Il prétend alors que ces planètes sont séparées par des distances musicales, c'est-à-dire qu’elles résonnent entre elles selon des lois d’attraction sonore.
Cela va donner d’ailleurs deux tendances pythagoriciennes manifestées sous formes de sectes ( à l’époque, traduire par groupes de pensée ) que sont les mathématiciens (« matematikoi » en grec, ceux qui comptent ) et les acousticiens ( « acousmatikoi » ceux qui écoutent ).

Cette organisation des planètes et la théorie des sphères de Platon puis d’Aristote vont influencer le monde moderne qui va retenir 3 théories :

- la distance qui sépare les notes les unes des autres correspond à des écarts plus ou moins grands symbolisés , plus exactement traduits à une échelle humaine par des modes. Entre ces modes se trouvent donc des écarts qui correspondent aux écarts supposés entre les planètes qui vont être appelés plus tard «tons » et « demi-tons » , de l’allemand « tone » qui signifie la note, le son dans une hauteur spécifique. Cette théorie est affirmée par Pline l’ancien, I° siècle après J.C.
- une deuxième théorie se fonde sur la vitesse que les planètes ont entre elles, et les écarts entre les notes vont du demi-ton au ton et demi en passant par le ton. C’est ce que va sous entendre Cicéron , I° siècle avant J.C. Les planètes les plus proches et donc les plus lentes sont manifestées par les sons les plus graves.
- La dernière théorie, la plus soumise à la controverse plus tard, mais la plus proche de nous d’un point de vue acoustique, va être émise par Platon : les distances entre les planètes de même que les distances naturelles entre les sons sont traduites par un rapport mathématique liant la série des premières puissances de 2 et la série des premières puissances de 3. Ca donne 2 4 8 16 etc. et 3 9 27 etc. , en commençant par 1 bien sur, puisque 2° ou 3° = 1. On a la série 1, 2, 3, 4 , 8, 9, etc.
Les rapports entre les notes vont donc être du simple au double ( traduit par l’octave musicale, do grave, do aigu par exemple ) avec 1 et 2 , le rapport suivant est traduit par la quinte ( do sol par exemple ) avec 2 et 3, puis le suivant à la quarte ect.

Il est à noter là encore les découvertes fantastiques des acousticiens contemporains de Pythagore ( et peut être Pythagore lui-même ) par l’expérimentation sur une corde du début de ces théorie, que l’on peut faire soi-même chez soi avec une corde donc, ou une colonne d’air ( une flûte à bec par exemple ) qui est l’exacte reproduction d’une corde mais bien sur avec le souffle entouré d’un cylindre (que l’on peut rallonger ou raccourcir en appuyant ou enlevant les doigts sur les trous ) comme matière.

Tentons l’expérience , prenez une corde, de préférence attachée à votre guitare, ça sera plus simple, si vous avez un piano vous aurez le résultat final il faudra tendre l’oreille.
Prenez votre corde de guitare et faites la sonner. Vous avez un son de base produit par une certaine vitesse de vibration de votre corde dont dépendent sa tension et sa matière ( l’une interagissant sur l’autre). Ce son est appelé son de base, ou dans le jargon musical, son fondamental.
Divisez votre corde en deux en appuyant à sa moitié. La moitié bloquée par votre doigt jusqu’au chevalet va résonner laissant l’autre inerte. Vous avez exactement le même son plus aigu. C’est l’octave.
Posez simplement le doigt sur la corde maintenant sans l’appuyer. Vous avez le même son encore. C’est un phénomène naturel qui s’appelle une harmonique.
Posez le doigt sur un rapport de tiers de la note maintenant sans l’appuyer( le fameux rapport entre 2 et 3 ) . Plus exactement sur la 7° frette. Vous avez le rapport de quinte.
Etc.
Au final, rejouez votre corde à vide, votre son fondamental. Si vous tendez l’oreille après un certain temps et dans un silence total autour de vous pour éviter les bruits parasites, vous entendrez le son fondamental, l’octave, la quinte en même temps !
Pareil sur un piano mais il suffit d’appuyer sur une touche, grave de préférence pour que ce soit plus évident, et vous finirez par entre les harmoniques.
Il y en a une infinité, une oreille bien entrainée peut en entendre plusieurs.

Cela revient à dire que dans un son, tous les sons existent musicalement.
Dans un prochain post, nous parlerons de Boèce et peut être que je n’aurai pas la flemme d’émettre des rapports avec Eudoxe, Aristarque de Samos ou Hipparque, on verra, il y a tant à dire !
En tout cas, voilà le point de départ entre musique et espace, tout commence ici dans l’état de nos connaissances actuelles.
Voilà peut être aussi pourquoi regarder les étoiles en musique est un si beau spectacle, une harmonie entre l’homme et son ballet cosmique.
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Archy
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MessageSujet: Re: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostMar 25 Nov 2008, 18:23

Revenons à Platon quelques instants. Le philosophe grec courageux, plein d’élan et de conquêtes de l’esprit, vient nous raconter Pythagore dans ses écrits, vient nous faire part de cette primauté des mathématiques comme intelligibilité de l’univers et va l’associer, c’est là son tour de force, non pas à des passions comme son illustre prédécesseur qui pouvait selon ses prétentions déclencher les passions érotiques grâce à la musique, mais à des concepts larges , plus grands , universels , le vrai , le beau , le bien.
S’il est vrai que Platon va opérer une sélection dans sa musique en bannissant quelques modes et quelques formes musicales il va leur reconnaître quand même une direction, mais Platon est insaisissable, même 2300 ans après ses œuvres. Que faut il comprendre de Platon ?
Faut il comprendre que certaines formes musicales sont à bannir parce qu’elles entrainent l’homme dans la déstructuration du cosmos , qu’elle le délie de l’univers à l’instar de la haine qui délierait toute chose en ce monde ?
Ne faut il accepter qu’une musique raisonnée, une quête du nombre dont les illustres fils seraient les expressionnistes allemands amplis de certitudes serialistes ?
Ou faut il y voir une quête vers l’amour, vers la vérité, qui va révéler au monde une nature réelle obscurcie par notre non-entendement, par notre survie quotidienne ?
J’aime à croire que cette dernière idée est celle qui animait cet homme fantastique et militant.
Il y a dans Platon alors la recherche de l’amour et surtout du dépassement de soi, ou plutôt du dépassement de notre société. Platon nous propose une quête initiatique au plus essentiel de nous même à l’image d’un Pierrot Lunaire Schoenbergien ou d’une quête bouddhique, voire d’une psychanalyse optimiste.
Je ne suis pas philosophe, je suis musicien de formation, mais je loue Platon pour la direction qu’il a fait prendre à la musique, à l’éventualité de cette inquiétante étrangeté qui pour lui à une forme d’un rideau se dévoilant sur notre lumineux intérieur.
Il n’est pas étonnant que l’harmonie des sphères lui soit si proche tant sa pensée brille à l’instar des astres.
Les recherches du maître concernant l’ordre du monde , la disposition des planètes entre elles et leur rapport , dominé par des fréquences que Pythagore avait su mettre à jour avec ses travaux sur les cordes, vont influencer le monde moderne au point que Platon et plus tard de nombreux savants quêteront la gamme parfaite, l’idéal musical comme manifestation sensible d’un accord cosmique, d’une harmonie de l’univers.
Ces recherches vont aboutir à notre gamme diatonique, do ré mi fa sol la si. Les touches blanches du piano.
Reste un problème, une note qui échappe à cette perfection tout en en faisant partie, qui ne peut pas ne pas faire penser aux démons de la chrétienté, le si.
Cette note aurait été maudite ? S’il est une malédiction je pense , c’est d’avoir associée cette quête de perfection avec un seul système, relativité gracieuse qu’ont largement compris les musiques asiatiques, moins tournées vers la forme que le fond par rapport à nous. Car dans l’art, forme et fond vont bien vite fusionner, à tel point qu’aujourd’hui il paraît impossible de les séparer pour celui qui n’a pas accès à une culture musicale un peu élaborée.
Le manque de relativité dans la conception Pythagoricienne part du fondement même de sa loi. L’acoustique obéirait à des mouvements parfaits, intelligible numériquement.
Hors tout observateur de la nature comprendra aisément que la perfection naturelle ne se situe pas au niveau rationnel, mais dans son existence en soi.
Sa mouvance , son être étant, voilà ce qui est immuable. C’est le cas pour la musique où cette recherche de perfection conduit au mieux qui est l’ennemi du bien, à savoir la recherche d’une gamme parfaite ordonnant le monde alors qu’une simple note en contient déjà toute la substance.
Revenons au « si » afin d’essayer d’expliquer ce phénomène.
Reprenons notre guitare.
Faisons un FA. Extrayons comme Pythagore sa deuxième harmonique nous obtenons un DO.
Faisons un DO. Extrayons comme Pythagore sa deuxième harmonique nous obtenons un SOL.
Prenons maintenant le SOL, extrayons sa deuxième harmonique, nous obtenons un RE.
Si nous recommençons l’opération nous avons les notes :
FA DO SOL RE LA MI SI
Et pour le « si »… Nous obtenons un FA…dièse ! # !!!
Platon n’avait pas prévu ces micros-écarts.
Jean Sébastien Bach , lui , au contraire.
C’est ainsi qu’au XVIII° la musique affine son caractère mathématique mais perd définitivement ses valeurs acoustiques , sa quête de traduction de la nature largement corrompue par le point de départ Pythagoricien.
C’est là aussi où le génie des bruitistes, des acousmaticiens du XX° siècle viendra sauver cette alliance entre musique et univers : la musique redevenue égocentrique, anthropocentrique prend alors une direction vers tout le vivant , vers tout l’univers, jusqu’à Grisey qui fait intervenir dans ses œuvres le battement électromagnétique d’un pulsar comme instrument(iste).
Revenons encore à Platon et au premier écart dont nous parlions précedemment à savoir l’écart entre le nombre de base, c'est-à-dire un réel puissance zéro , et la suite mélangée des puissances de 2 et de 3 qui correspondent aux vibrations d’une corde divisée.
L’écart qui correspond dans ce calcul à la différence entre le son fondamental et la deuxième note s’appelle la seconde. C’est pour les grecs antiques, l’écart qui correspond à la distance Terre Lune.
Cet écart se traduit mathématiquement par un nombre irrationnel.
Quelle horreur pour un grec qui conçoit l’astronomie et la musique comme les sciences capables de faire échapper l’homme à l’erreur de l’illusion du monde !
Quand aux perceptions relatives des effets des modes ( gammes antiques , le mode est au rectangle ce que la gamme est au carré ) heptatoniques chez les grecs, ils diffèrent de Platon à Aristote.
Cependant, aucun d’entre eux n’oubliera que la musique est une affaire aussi de sensibilité, capable de sérénité ou d’exaltation.
Je n’ai toujours pas parlé de Boèce ,d’Eudoxe, Aristarque de Samos ou Hipparque , mais Platon m’a emporté dans un ballet dont je suis heureux de vous faire partager quelques nuances.
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MessageSujet: Re: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostMar 25 Nov 2008, 22:17

J'en reste sans voix .... excellent exposé, cher Archy !! Smile Smile
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Archy
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MessageSujet: Re: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostJeu 27 Nov 2008, 21:24

merci Fredosolos venera
je ne fais que commencer... mais bon faut pas avoir la flemme... lol
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MessageSujet: Re: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostLun 08 Déc 2008, 21:21

Eudoxe de Cnide, IV° av. JC est un élève de Platon à qui son maître doit beaucoup.
C'est l'inventeur des fameuses sphères homocentriques. Elles sont la géométrie dans l'espace des cercles homocentriques.

Il suppose que les planètes sont liées entre elles selon des mouvements, et part du principe que chacune d'entre elles soit liées à 4 autres planètes.
Le centre de ce système est la Terre. Imaginons qu'elle soit le centre de 4 sphères. Sur l'équateur de la première sphère, la sphère intérieure, 4 autres planètes circulent. Pour chacune d'entre elle, le système est répété 4 fois.
Il induit par ce principe que les mouvements sont liés entre eux, interinfluencés.
C'est un théorie révolutionnaire, il va aller beaucoup plus loin que son maître grâce à elle !
Cette théorie appliquée à la musique va se retrouver tout au long des siècles puisqu'à l'époque baroque de notre civilisation ( 1607-1750 pour l'art musical) , les instruments et la musique vont être créés avec plusieurs rapports qui s'interinfluencent,c'est à dire qu'il n'y a pas un seul moyen de faire une gamme ( et si je prend la gamme diatonique, j'éclaircie mon propos en précisant qu'il n'y a pas qu'un seul moyen de faire DO RE MI FA SOL LA SI ) , mais plusieurs , qui s'interinfluencent entre eux !
Aujourd'hui cette conception de la musique a disparu avec l'homogénéité créée par J.S.Bach de la gamme, mais nous pouvons retrouver cette folle farandole de possiblité avec des musiques comme le jazz qui s'ouvrent à tous les modes , de toutes les cultures.

Pour faire simple, aujourd'hui, la musique en général qui passe sur nos ondes est un cheeseburger dans lequel on inverse l'ordre entre le fromage, le ketchup, le steack et le pain.
A ce titre, le rock est une forme de cheeseburger, le r'n'b une autre.
Le jazz propose n'importe quel aliment entre deux tranches de pains, mais il y aura toujours les deux tranches.
La conception d'Eudoxe étendue à la musique propose tous les plats du monde, son extension à l'ère baroque propose tous les plats du monde avec la possiblité de les manger en même temps.

Si vous connaissez le chat de Shrödinger , cela vous parlera : le système musical du XVIII° c'est exactement cela , avec 12 puissance 12 chats et autant de boites.

Bref, Eudoxe initie et la musique moderne et l'astronomie avec cette théorie.

Aristarque de Samos va aller encore plus loin pour l'astronomie et son extension musicale.
C'est le premier à proposer un système héliocentrique.
Comme Héraclide de Pont, il suppose que la Terre tourne autour de son axe, qui tourne lui même autour du soleil ( et nous sommes au IV° avant JC !!!! )
La théorie d'Aristarque n'a pas connu de succès car les Grecs objectaient que les étoiles restaient longtemps fixes et que si elle était vraie elles subiraient des déformations visibles à l'oeil nu.
Tout ça parce qu'ils ne connaissaient pas la vitesse de la lumière. De vrais génies ces grecs , même dans leur ignorance ils sont quand même géniaux.
Et le rapport à la musique ?
Il est là , bien présent, fantastique même, à la manière d'une symphonie de Holst.
Si la Terre n'est plus au centre du système, alors n'importe quel élément est l'attraction d'un élément plus grand.
C'est exactement le cas d'un morceau de musique, d'une suite baroque et de toutes les grandes oeuvres du XIX°. C'est aussi le cas de n'importe quel système musical.
Nous arrivons à la conscience d'une oeuvre à plusieurs dimension, la fractale n'est pas loin, la structure en tout cas est créée : si de l'intearction entre plusieurs mouvement nait une note, cette note et ces mouvements peuvent se regrouper en modes ( un groupe de notes).
ce mode peut constituer une mélodie plus grande, presque un nouveau mode mais organisé par la main de l'homme, comme un microcosme entre nos oreilles.
Cette mélodie n'attend que d'être développée, reprise, transformée, renversée etc. De là peut naitre une structure encore plus grande, comme l'a créé Bach, en particulier avec l'art de la fugue, ses toccatas, ses ricercar, en fait on peut citer presque tout Bach.
De là à imaginer une structure sur une vie, ce serait mêler la psychologie et la musique.
Je me permettrai comme nous sommes sur un forum de science fiction, d'aller encore plus loin.
Peut on mélanger l'art et la sociologie, à l'image d'Asimov dans Fondations, de prétendre que nous pouvons connaitre dès aujourd'hui l'art de demain , finalement nous naviguons en mirage Hawkingien, en connaissant la pensée musicale nous connaitrons la pensée de l'univers ( et pour aussi faire un clin d'œil à Harnoncourt , un chef d'orchestre baroqueux aux écrits clairs et fins.

La musique du monde a t elle déjà été écrite , si bien qu'aujourd'hui à travers nos créations nous essaierions de l'envisager ?
Le voyage musical n'est pas terminé... à bientôt !
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MessageSujet: Re: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostMar 09 Déc 2008, 20:22

Hipparque nous est connu car c'est le premier à avoir émis l'hypothèse de cycles que nous apellons aujourd'hui familièrement équinoxes.
Il se base toujours sur le mouvement circulaire d'une trajectoire planétaire.
La 3° dimension de ces prédécesseurs étant entrée dans les mœurs de manière nette et définitive.
C'est à dire que la science grecque à cette époque décrit déjà l'univers tel qu'il nous apparait.
Et pourtant...
Pourtant les grecs se fient davantage à l'expression des mathématiques qu'à l'observation simple de la nature, ils croient en l'outil mathématique comme outil de traduction par la raison de l'univers, comme la logique, la dialectique et le discernement dans l'observation de l'âme humaine ( cf , l'ultra connu mythe platonicien de la caverne. Pour ceux qui l'ignorent , je me ferai un plaisir de vous le raconter tellement la perception platonicienne du monde des idées est poétique, plein de lucidité et de spiritualité, mais seulement si vous le demandez si par hasard vous tombez sur cet article)
C'est ce qu'on appelle "sauver les apparences".
C'est un postulat en astronomie et en musique, c'est à dire qu'en musique, la déformation sensorielle et de plus émotionnelle est à prendre en compte dans l'art, je rajouterai même que prendre en compte les émotions et notre perception est aussi important dans la forme que dans le fond, aussi important que le discours harmonique, donc scientifiquement musical.
Cette donnée qui apparait au XX° siècle dans notre culture existe néanmoins de tout temps, même si la musique a été considérée par presque tous les peuples comme l'expression de la quintessence, ce fameux cinquième cercle prépondérant à l'organisation du monde ( qu'on pourrait aujourd'hui appeler la loi de la grande unification ( d'où le superbe nom du forum s.f. cité très souvent sur ce forum ).

Hipparque recense à son époque ( II° s avant JC ) environ 850 étoiles selon Pline l'ancien. Il implique un système héliocentrique changeant tous les 100 ans d'un degré.
En musique, la découverte d'un tel rapport peut se rapprocher à l'évolution constante des ondes harmoniques, mais les systèmes qu'il implique sont si nombreux que les musiciens durent se résoudre à ne travailler qu'un système théorique où les instruments s'adaptent aux calculs mathématiques car les changements sont si faibles qu'ils n'induisent pas de révolutions du système.
En fait, les avancées culturelles dépassent en vitesse de beaucoup ces changements physiques
Les musiciens d'aujourd'hui sont beaucoup plus en correspondance avec l'astronomie actuelle que ne l'étaient les musiciens grecs avec leurs contemporains.
On assiste en acoustique à la formidable réunification de ces deux sciences séparées par des millénaires d'histoire !

Je m'attaquerai la prochaine fois à Boèce et nous entrerons progressivement vers le siècle de l'harmonie des sphères, le siècle des lumières qui marquera aussi la fin d'un règne et le début d'un autre, une avancée inéluctable vers notre musique actuelle, comme si ces deux sciences avaient pour destin de se quitter pour mieux se rapprocher, ou comme si tout chemin vers la découverte de l'univers arrivait au même sommet ( du mont Fujiyama ? ; ) )
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MessageSujet: Re: Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères   Musique et Espace : la théorie et l'harmonie des sphères Icon_minipostDim 04 Jan 2009, 12:56

EDIT le temps d'écrire l'article suivant et je rééditerai encore ce message lol
Merci d'avoir déplacé le sujet !!!! Smile
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